Focus

Les routes de la soie sont-elles une opportunité pour l'Europe ?


David Commarmond


Le 22 Novembre 2017, dans les locaux de l’Université Paris-Dauphine, dans la Salle Raymond Aron de 18h à 19h30, une conférence de Christian Vicenty, Chargé de Mission Chine, Russie, Ukraine, Nouvelles Routes économiques de la Soie au sein de la Mission stratégique et des études économiques du Ministère de l’Économie et des Finances posait la question de savoir si «Les Nouvelles Routes de la Soie » sont une opportunité pour l’Europe et si cette dernière est prête à répondre au défi chinois sur 35 ans (2015-2049).




"C’est un enjeu de long terme", qui a plusieurs dimensions, facteurs et qu'il faut mettre en perspective.

Il faut tout d'abord que l’Europe prenne conscience de la nouvelle donne géopolitique : plaçant à nouveau l’Asie comme enjeu majeur ; l’existence affirmée des « Nouvelles Routes de la Soie » (OBOR / B.R.I.) concrétisant la remontée en puissance de l’Asie (Chine). Cette prise de conscience européenne est tout aussi valable à l'échelle nationale.
 

A l'échelon national, "2049, en effet, c’est loin, surtout pour un homme politique", même, les étapes intermédiaires, 2025, 2035 sont des dates clés qui permettent de mesurer les avancées ou les retards du projet mais elles demeurent pour bon nombre de politiques hors d’atteinte car hors cadre pour toute échéance électorale.
 

Il faut aussi prendre conscience que l'ampleur du projet désarçonne de nombreux acteurs, tant les besoins d’investissements sont colossaux. Car l'initiative du projet OBOR n’est pas unique, l’Inde, le Japon et la Russie se rêvent en alternative aux Routes de la Soie. A l’heure actuelle, le projet OBOR supplante toutes les autres initiatives et se décline sur tous les tons et tous les aspects possibles, on parle ainsi des Routes de la Soie digitale, des routes connectées, des routes aériennes, humaines, marchandes, spatiales, glacées.
 

Il est d'autant plus difficile pour nous de nous aligner sur la Chine. "La Chine ne négocie aucun projet en dessous d’un milliard de dollars", et nous avons beaucoup de mal à nous aligner sur cette exigence. D'autant plus que nos règles comptables et fiscales sont différentes.
 

Enfin, pour ne citer que notre partenaire le plus proche, l'Allemagne qui a un regard bien différent du nôtre, Christian Vicenty reprenant les propos de Markus Kerber – Professeur de finances publiques à l’Université technologique de Berlin, président d’Europolis, dans la conférence du 28 septembre 2017 à la Sorbonne « Elle investit avant et réfléchit après ». La prise de décision se fait au niveau local, au niveau des Länder, mais pas au niveau gouvernemental".
 

En substance, la première question qui demeure est : avons-nous le temps ? Avons-nous le temps d’attendre ? Avons-nous le temps de voir si, de colloque en colloque, d’événement en événement, certaines évolutions se constatent ou non et si des faits nouveaux viennent nous conforter dans la décision d’agir ? N’est-il pas urgent de coordonner les intérêts français et européens ?
 

En deuxième question, que pouvons-nous négocier, qu’avons-nous à vendre ? Plus de 3600 trains ont fait ce parcours ces quatre dernières années et pourtant malgré la prouesse technique et logistique, les voyages retour à destination de la Chine se sont fait quasiment à vide. Sommes-nous à ce point dans l’incapacité d’exporter ?


Se dessine une matrice avec des forces et des faiblesses, des atouts et des risques

Christian Vicenty voit des conséquences directes de cette matrice. Par sa taille, son poids économique et financier, la Chine a plusieurs coups d’avances et options stratégiques, que les autres acteurs n'ont pas. Et les récentes déclarations déconcertantes du Président Trump ouvrent un boulevard aux intérêts chinois.
 

  • Par son environnement proche sur lequel elle exerce une influence directe
  • La Chine se tourne vers les Pays de l’Est, qui avaient rejoint l'Europe. Certains voient dans cette position une stratégie (diviser pour mieux régner).
  • La Chine cherche à séduire les entreprises et propose des projets de transports dans sa direction pour les entreprises tentées par la conquête de son marché

 

D'autres part, pour lui, "Nous ne sommes pas pour autant désarmés ni sans atouts", nous avons des cartes à jouer.

  • En matière de développement durable, nous pouvons « verdir » les routes ferroviaires: des PME se positionnent sur ce marché, mais, leur nombre est inconnu,
  • L’Europe est un Graal pour la Chine, un élément de fascination, les Chinois iront jusqu’au bout pour parvenir à leurs fins. Nous pouvons utiliser cette fascination à notre avantage. 
     

Encore faut-il que nous nous saisissions du sujet, il y a un vrai travail de fond. Un vrai travail d’Intelligence Economique qui doit être fait sur le long terme. C'est-à-dire un vrai travail de diplomatie et d'influence auprès des pays intermédiaires, déficient en population et en infrastructures ferroviaires (par exemple).
 

Les économies d'énergies, peuvent être aussi un terrain d'étude, sur lequel nous pouvons positionner nos entreprises et nos scientifiques. En effet selon la volonté du Président Xi Jin Ping "Les voies terrestres, maritimes, aériennes vont reposer sur de nouvelles technologies plus économes en énergie, plus sûres, plus rapides, pour un coût toujours moindre. C'est un créneau à prendre et un discours conforme à nos valeurs occidentales et à l'Harmonie chinoise.
 

Nous pouvons aussi explorer le domaine de la sécurité des routes maritimes "afin de trouver une solution à la conflictualité du Détroit de Malacca, une zone dangereuse où règne la piraterie". 
 

Ces quelques pistes énoncées sont bien sûres que des exemples et des champs d'investigations qui demandent qu'à être confirmées.
 

L'intérêt pour les Nouvelles Routes de la Soie, est certain et réel. Pour preuve, le 1er forum des Routes de la Soie qui s'est tenu à Paris a été un franc succès le 29 Novembre dernier, ainsi que le nombre de conférences, petit-déjeuners, dîner-débat. Et que dire à l'échelle mondiale  des livres, voyagistes, documentaires qui ont pour thème Marco Polo et des routes de la soie.

 

Pour écouter la conférence de Vincent Vicenty