Solutions & Experts

Trois questions à : Jérôme Bondu Consultant en Intelligence économique, directeur d’Inter-Ligere


David Commarmond


DC : Vous venez d’intervenir à l’A3F-IES/.. Pouvez-vous nous donner votre ressenti sur cet événement ?
JB : C’était une très belle réussite. Après le covid, participer à cette nouvelle édition était un plaisir. Un plaisir qui a été partagé par un public nombreux et participatif.



DC : Quels sont les trois éléments que l’on doit retenir de votre intervention ?

JB : Si l’on devait retenir de mon intervention trois éléments, je souhaiterais que l’on retienne d’abord la notion de dissonance cognitive. Google est un outil très populaire en France, et dans le reste de l’Europe. Il a un monopole avec plus de 90% de part de marché. Aucun autre moteur de recherche ne peut rivaliser avec lui. Parallèlement, nous savons depuis des années que Google aspire une importante part de nos données personnelles. Les différents scandales qui ont défrayé la chronique l’ont prouvé. Mais comme les outils alternatifs ne sont pas à la hauteur des attentes, nous ne changeons pas pour autant nos habitudes. Le fait d’utiliser un outil dont on connaît la dangerosité potentielle, est un exemple de dissonance cognitive. C’est-à-dire que nos actes ne sont pas en adéquation avec notre compréhension de la situation.
 
L’acceptation de cette dissonance cognitive n’est pas sans conséquences. Car si les professionnels de l’information acceptent cette première entorse à leur esprit critique (résumé par cette phrase : je n’utilise que Google même si je sais qu’à long terme cela peut être dangereux) nous pouvons craindre qu’ils en acceptent d’autres. Or on attend justement d’eux une rigueur irréprochable dans leur logique informationnelle. En tant que veilleur, on attend de nous un esprit critique, nous sommes payés pour cela. Cette première entorse peut donc être un boulevard pour d’autres.
 
Quelles autres ? Prenez par exemple ce que l’on appelle des biais cognitifs. Ces raccourcis de raisonnement issus de milliers d’années d’évolution et qui influent sur notre façon de prendre des décisions. Le veilleur doit être particulièrement attentif à cela. Et même si on ne peut jamais se défaire totalement de ses biais, il convient de mettre en place des stratégies pour les minimiser. Citons-en quelques biais classiques : le biais de confirmation qui nous conduit à rechercher que les informations qui nous confortent dans notre pensée, le biais d’autorité, l’effet de halo, la surestimation des faibles probabilités, l’effet de dévoilement…
 
Quelles conséquences ? De plus en plus, les professionnels de l’information seront comparés à des outils d’intelligence artificielle. L’équation se résume ainsi : si nous acceptons des entorses à l’esprit critique, si nous acceptons la première entorse qui est d’utiliser de manière constante Google malgré son potentiel délétère, alors combien de temps pourrons-nous justifier de notre savoir-faire face à des IA ? Le danger serait de se faire remplacer par des intelligences artificielles vues comme ayant moins de biais, parées de toutes les vertus, capables de recul, garant d’une forme d’esprit critique !
 
Pour conclure, je pense qu’il est essentiel de mettre en place des mécanismes pour parer ce danger. Non pas pour s’interdire d’utiliser des IA. Il y a déjà sur le marché de très bons outils de recherche et de veille qui intègrent des briques d’IA. Mais de travailler à une complémentarité intelligente. On peut ainsi mettre en place des outils d’analyse qui nous redonne le contrôle. Cela implique de se former à l’analyse, car nos cursus scolaires ne nous forment pas suffisamment aux matrices d’analyse stratégique, aux méthodes d’analyses structurées, aux outils cartographiques, et même à la force du réseau humain comme vecteur d’intelligence collective.

DC : Comment s’initier à l’analyse ?

JB : Au sein du d’Inter-Ligere nous proposons trois services : mise en place et optimisation de systèmes de veille. Etudes. Et des formations, notamment aux techniques d’analyse. Nous proposons aussi depuis peu un War Game. D’ailleurs nous organisons un test gratuit en ligne le 15 décembre sur le thème « Comment se comporter en guerre économique ? ».

Nous allons le proposer ensuite en intra chez nos clients. Ce jeu propose aux joueurs d’explorer une situation de guerre économique très réaliste. Les entreprises françaises font face à de multiples défis, menaces et opportunités, posés par des États et des multinationales aussi puissantes que des États. À la façon d’un Général devant un plateau, les participants vont devoir développer des stratégies pour défendre et fortifier leurs entreprises pendant une heure. Innovant, ce jeu en ligne se veut dynamique et immersif, un reflet de notre époque et des défis qui attendent les professionnels de l’information. Je vous donne rendez-vous le 15 décembre prochain en ligne de 19h à 20h30.

Les informations sont sur le blog d’Inter-Ligere https://www.inter-ligere.fr/invitation-au-war-game-comment-se-comporter-en-situation-de-guerre-economique/
 
Le Club IES organise aussi une conférence sur l’esprit critique le 16 janvier sur Paris à 17h30.
https://www.inter-ligere.fr/club-ies-esprit-critique-comment-retrouver-une-profondeur-danalyse/
Entre les formations et les jeux sérieux, il y a plein d’opportunités pour muscler son esprit critique et construire un avenir professionnel passionnant !

 



Biographie :  Jérôme BONDU est directeur du cabinet de conseil en veille et intelligence économique Inter-Ligere.fr. Il exerce depuis plus de 20 ans dans les domaines du conseil en organisation, études et formation.
 Il est l'auteur de quatre ouvrages "Voyage aux pays des réseaux humains" (2011), "Maîtrisez d'Internet … avant qu’internet ne vous maîtrise" (Edition Inter-Ligere 2018), "Petit bestiaire de la gestion des informations" (Inter-Ligere 2021), « La plus grande révolution de toute l’histoire de l’humanité » (Inter-Ligere 2022).


 

Nos autres interviews

https://www.veillemag.com/Trois-questions-a-Anne-Le-Turnier-de-LexisNexis%C2%A0-Intellectual-Property-Solutions_a4543.html

https://www.veillemag.com/Trois-questions-a-Audrey-Knauf-Maitre-de-conference-en-Sciences-de-l-information-et-de-la-communication-a-l-Universite_a4545.html
https://www.veillemag.com/Trois-questions-a-Estelle-Prin-Consultante-en-Intelligence-economique-CEO-de-l-Observatoire-des-Semi-conducteurs_a4540.html

https://www.veillemag.com/Trois-questions-a-Christian-Langevin-de-QWAM_a4548.html
https://www.veillemag.com/Trois-Questions-a-Christophe-Bisson-directeur-scientifique-du-MSc-in-International-Strategy-Influence-de-SKEMA_a4547.html
https://www.veillemag.com/Trois-Questions-a-Christophe-Bisson-directeur-scientifique-du-MSc-in-International-Strategy-Influence-de-SKEMA_a4547.html

https://www.veillemag.com/Trois-questions-a-Mathieu-Andro-Animateur-de-la-cellule-veille-du-premier-ministre_a4552.html